L’explosion du perfectionnisme parental

Quelle pression mettons-nous à nos enfants pour qu’ils soient « bien sages »?

Je suis une éducatrice spécialisée et coach familial, passionnée de mon métier, depuis plus de 25 ans. J’ai lu des tonnes de bouquins sur l’éducation des enfants et suivi tout ce qui existait comme formations sur le développement et l’encadrements des enfants. Lorsque je suis devenue maman, je me sentais bien outillée pour offrir à ma fille un environnement qui lui permettrait de s’épanouir et de devenir une bonne personne. Je m’imaginais alors que, puisque j’avais les bons outils, ce serait facile d’éduquer ma fille. La génétique étant ce qu’elle est, ma fille a hérité d’un fort tempérament et j’ai eu à gérer de très nombreuses et intenses crises de colère quand elle était petite. Un jour que je dû, une fois de plus, sortir d’un resto avec une petite « poche de patates hurlante » sous le bras, l’amie qui m’accompagnait me dit, catastrophée: «  Ho mon dieu Nancy! Mais qu’est-ce que tu vas faire avec elle? Tu devrais pourtant savoir quoi faire pour faire cesser ses crises. Tu es un «cordonnier mal chaussé »! 

Ça m’a fait l’effet d’une douche d’eau froide! Qu’est-ce que je vais faire? L’éduquer sapristit! Elle n’avait que 2 ans à l’époque. J’avais encore bien 16 ans devant moi pour lui enseigner la gestion des émotions. Mais ça m’a surtout mis au visage une croyance répandue: Un bon parent devrait forcément avoir des enfants qui se conduisent toujours bien! Pourtant, on sait tous que les crises sont totalement normales à cet âge. Mais voilà, parce qu’elle était ma fille, elle aurait du sauter cette étape et se montrer calme et docile en tout temps. Bien entendu, nous avons travaillé sur sa capacité à tolérer les frustrations et tout est renté dans l’ordre avant son entrée à la maternelle. Mais ça m’a surtout ouvert les yeux sur la pression incroyable qui pèse sur les parents et, par ricochet, sur les enfants. Quand j’étais petite, si je faisais une crise au centre commercial, tous les regards désapprobateurs se tournaient vers MOI. Je comprenais alors que ma conduite était déplacée. Maintenant, c’est le parent qui est observé en pareille circonstance. Et, peu importe ce qu’il fera, il y aura quelqu’un pour juger que son intervention était inadéquate! 

Quelques années plus tard, alors que ma fille avait environs 9 ans, un nouvel événement m’a encore fait réfléchir. À la remise du bulletin, son enseignante m’a dit: «  Ha! Emmanuelle! Vous pouvez être fière d’elle. J’en prendrai 12 comme elle dans ma classe. Elle est tellement gentille cette enfant, on ne l’entend pas. Je n’ai jamais à intervenir sur elle. Je pourrais presque l’oublier tellement elle est sage. » Ma réponse a laissé l’enseignante pantoise: « Quoi? Vous aimez ma fille parce qu’elle fait la plante verte dans votre classe? Vous la trouvez gentille parce qu’elle se fait oublier? Je devrais être fière parce que ma fille ne dérange personne? Et qui se demande si elle est heureuse? » Furieuse, je suis partie sans attendre et je suis allé retrouver ma fille pour une bonne discussion.

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J’étais une nouvelle fois confrontée à cette image populaire du bon-parent-qui-élève-un-bon-enfant-sage-
et-docile. Ce soir là, nous avons eu une bonne discussion, ma fille et moi, sur cette pression qu’elle se mettait d’être toujours parfaite, d’être aimée de tous et de ne commettre aucune erreur.  Et, depuis ce temps, je m’emploie à lui rappeler d’être elle-même, de ne pas avoir peur de décevoir, de se permettre de faire des erreurs, du moment où elle en assume les conséquences. Parce que le conformisme, ça parait bien, mais ça étouffe la personnalité et la créativité. Et, dans bien des cas, ça conduit tout droit à de l’anxiété. Aujourd’hui, elle n’hésite pas à questionner ce qui l’entoure, remettre en question les règles, s’affirmer et elle ose lâcher son fou! Vous auriez dû la voir en pyjama de raton-laveur lorsqu’elle est allée rendre visite à sa grand-mère à l’hôpital. Un des dernier fou rire que ma mère a eu avant de décéder. Et l’avez-vous vu à ma conférence costumée en Super Girl? C’est quand elle est elle-même et qu’elle s’assume que je suis le plus fier de ma grande fille. 

Le moule étroit de l’enfant « normal » 

Mon travail m’amène également à observer que de plus en plus d’enfants se retrouvent avec des diagnostics et des étiquettes d’enfants à problème et ce, de plus en plus tôt dans leur développement. Dès la garderie, quand un enfant fait un peu plus de crises de colère que la moyenne, qu’il semble dans la lune, qu’il socialise peu ou qu’il a du mal à partager les jouets, on tire la sonnette d’alarme. L’intention est bonne bien sûr : on veut intervenir tôt pour optimiser les chances de réussite de l’enfant. Par contre, beaucoup de parents comprennent alors que leur enfant est « défectueux », qu’il a un problème et n’est pas normal. Ils s’acharnent alors à le faire rentrer dans le moule. Mais le moule de l’enfant normal semble rétrécir de plus en plus pendant que le nombre d’enfants avec des diagnostics variés (et parfois plusieurs) explose. Des enseignants me racontent que, dans bien des classes de cinquième et de sixième année du primaire, c’est plus du tiers des élèves qui ont un diagnostic de trouble quelconque. La plupart de ces enfants sont sous médication.

Explosion du perfectionnisme parental

Les enfant deviennent donc, en quelque sorte, notre « bulletin de parents ».  Et quand notre enfant adopte des comportements dérangeants, on se remet vite en question:  « Qu’est-ce que j’ai fait de travers?» « Que dois-je faire pour faire cesser illico ces mauvais comportements? » ,«Comment dois-je m’y prendre pour que mon enfant rentre vite dans le moule de l’enfant-performant-sage-et-docile-qui-ne-dérange-personne? » Nous avons parfois tellement peur que notre marmaille ne soit pas aimée de tous qu’on peut facilement tomber dans le piège  d’exiger d’eux un conformisme exagéré et étouffant.

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Devant cette pression, certains enfants se rebellent et s’opposent alors que d’autres développent une peur exagérée de déplaire et carburent à ce que j’appelle de « l’anxiété de conformisme ». Je parle ici des enfants sous tension, ceux qui obéissent sagement et s’obligent à adopter un comportement exemplaire en tout temps dans l’espoir de répondre aux attentes des adultes et d’être aimés de leurs parents exigeants. Ceux qui craignent sans cesse de commette un faux pas et d’être pris en défaut. Puisqu’ils répondent généralement bien aux attentes des adultes, les parents et les enseignants tiendront à encourager et gratifier ces comportements exemplaires et multiplieront les récompenses et valorisations. En vieillissant, l’enfant risque donc de décoder le message suivant : « Mes parents m’aiment PARCE QUE je suis obéissant, que je fais ce qu’on attend de moi. Je suis un « bon enfant » quand j’adopte un comportement exemplaire et, donc, si je commet une erreur, ils seront déçus de moi et je risque le rejet. » 

« Tout le monde est un génie ; mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper aux arbres, il passera sa vie à croire qu’il est stupide » – Albert Einstein

Mais que faire? 

Bien entendu, c’est notre rôle de parent que d’encadrer nos enfants, de leur enseigner les bon comportements et les guider afin d’en faire des personnes respectueuses et gentilles. Toutefois, je crois qu’il nous faudrait doser un peu, leur donner le temps de se développer, d’expérimenter et, surtout, leur donner le droit de faire des erreurs et d’en assumer les conséquences. Ainsi, ils apprendront à réfléchir avant d’agir et développeront leur jugement, leur sens des valeurs et leur personnalité plutôt que de simplement obéir aveuglément aux personnes en autorité. Il faut aussi leur faire confiance et faire confiance en notre éducation. Ce n’est pas parce que Justin pousse et frappe les copains de la garderie qu’il deviendra violent et ce n’est pas parce que Anne-Sophie est dans la lune en première année qu’il a un déficit d’attention. Et, finalement, il faut aussi choisir nos priorités dans l’éducation de nos enfants et ne pas tomber dans le piège de relever chacune de leurs erreurs ou d’intervenir sur tous les comportements indésirables. Plusieurs choses se règleront d’elles-même en vieillissant et on peut aussi repousser  plus tard certains apprentissages. J’aime à répéter qu’on a 18 ans pour élever un enfant, alors pas de panique! 

Nancy Doyon

coach familial

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Arrêtons de « casser » les enfants!

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