Faire équipe malgré la séparation…Par amour pour les enfants!
La décision de mettre au monde un enfant se fait généralement en couple, en équipe. Bien que chacun des parents puisse ensuite assumer des rôles différents auprès de l’enfant, il n’en reste pas moins que chacun d’eux est entièrement responsable de son choix et des mesures prises afin d’assumer adéquatement ses responsabilités familiales et ce, quel que soit le contexte et les difficultés rencontrées. Nous ne sommes pas parents que les jours de beau temps.
Or, en temps de séparation, avant, pendant et après celle-ci, il devient plus difficile que jamais de faire face à la fois aux émotions qui se bousculent, au stress et aux différentes démarches (déménagement, réorganisation, etc.) tout en s’assurant de répondre adéquatement aux besoins des enfants. Mais on est parent pour la vie ! Coûte que coûte…
On peut devenir des « ex-conjoints » mais il n’existe pas « d’ex-parents. »
La grande remise en question
Vous êtes en grande remise en question sur votre couple et vous envisagez une séparation ou un divorce? Selon ce que racontent plusieurs personnes qui ont passé à travers le processus de séparation, la période qui précède la rupture, alors que rien ne va plus au sein du couple et que chacun est tenaillé par une multitude de sentiments douloureux et contradictoire, ce moment où on SAIT qu’il faut prendre une décision mais où on cherche désespérément à éviter la grande cassure, est généralement la période la plus pénible. Cette période, juste avant la décision finale, est souvent empreinte de tension et d’émotivité, de longues et pénibles discussions et parfois de fréquentes disputes. Le plus dur, c’est de prendre LA décision, disent plusieurs personnes. Certains couples vont aussi devoir cohabiter quelques temps après la rupture, ce qui peut engendrer un stress supplémentaire. Et les enfants ressentent souvent qu’il y a quelque chose qui cloche même si les parents font mine de rien.
Je dis souvent que les enfants ont une « antenne digne de la NASA » sur la tête. Ils captent les émotions de leurs parents, même les mieux cachées. Ils sont extrêmement sensibles au climat qui règne dans la maison. Même s’ils ne comprennent pas ce qui se passe, il est fort possible que l’on puisse noter des changements dans leurs comportements qui trahissent la tension qu’ils ressentent.
Une mère m’a raconté que son bébé se réveillait plusieurs fois par nuit, en hurlant, dans les mois qui ont précédés la séparation et qu’il a recommencé à faire ses nuits dès l’instant où elle a aménagé dans son nouvel appartement. J’ai aussi vu nombre d’enfants manifester des comportements agressifs ou anxieux à la veille de la dislocation de la famille et ce, même si les adultes faisaient tout pour tenir les enfants à l’écart de leurs querelles. Les comportements ont par la suite graduellement disparus après la rupture alors que les enfants faisaient lentement le deuil de la famille telle qu’ils l’avaient connu.
Toutefois, quel que soit l’âge de votre enfant, ne lui faite pas part de vos doutes, de votre réflexion ou de vos remises en question face à votre couple. Ne lui annoncez la séparation que lorsque la décision est définitive et que le déménagement est imminent. S’il pose des questions ou constate vos désaccords, tentez de vous montrer rassurant, sans toutefois lui promettre que vous ne vous séparerez pas. Car lorsque vous lui annoncerez votre décision de rompre, si tel est le cas, il risque de se sentir berné. Ne faite qu’accueillir ses émotions et répondre minimalement à ses questions :
Enfant : « Est-ce que vous allez vous séparer maman et toi? »
Papa : « Tu as peur qu’on se sépare mon coco? Pourquoi donc? »
Enfant : « Parce que vous vous querellez souvent maman et toi? »
Papa : « Hum…tu trouves qu’on se chicane beaucoup? Ce n’est pas drôle pour toi hein? Les enfants n’aiment pas quand leurs parents ont des disputes. Comment te sens-tu? »
Enfant : « J’ai peur que vous vous divorciez, comme les parents de Julia! Je ne veux pas que vous vous sépariez! »
Maman : « Tu sais, les adultes, comme les enfants, ont parfois des désaccords et sont parfois en colère. Papa et moi on est parfois fâché l’un contre l’autre. Ça arrive. »
Quelques pièges à éviter
- Laisser planer la menace d’une séparation : Parfois, dans un désir de préparer doucement les enfants à ce qui s’en vient, certains parents commencent très tôt à leur parler de la possibilité d’une séparation ou lancent des messages subtils aux enfants tels que : « peut-être qu’on va déménager ». Ces messages risquent malheureusement de créer de l’inquiétude chez les enfants. Vaut mieux attendre que tout soit clair avant d’en parler.
- Demander l’avis des enfants : « Aimerais-tu mieux qu’on vive juste toutes les deux, sans papa qui crie toujours ? » De cette façon, le parent cherche, parfois inconsciemment, à se déculpabiliser de la séparation et tente de trouver, chez l’enfant, un allié dans sa décision. Mais en faisant cela, l’enfant risque de sentir qu’il porte, en partie du moins, le lourd poids de la responsabilité de la séparation de ses parents.
- Impliquer l’enfant dans les querelles: « Maman trouve que je crie. Est-ce que tu trouves que je crie Victor ou bien conflit de loyauté papa ne fait que parler fort ? » Les enfants aiment généralement leurs deux parents et se sentiront mal s’ils doivent prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Il est préférable d’éviter de demander leur avis aux enfants et aux adolescents, même s’ils sont témoins de la scène afin d’éviter le conflit de loyauté cité précédemment.
- Prendre les enfants comme confidents : On est rarement tenté de le faire avec de jeunes enfants mais j’ai vu nombre d’adultes confier à leurs adolescents ou leurs enfants adultes leurs déceptions et les récriminations qu’ils ont envers leur conjoint. Or, il faut se rappeler que l’enfant, quel que soit son âge, n’a probablement pas envie de connaître toutes les erreurs et les défauts de ses parents, ni de jouer les arbitres dans vos conflits. Si vous avez besoin de parler, vaut mieux se confier à un ami ou un intervenant et laisser les enfants à l’écart de vos différents.
C’est décidé, on se sépare!
On aimerait tant épargner à nos enfants les sentiments douloureux reliés à cette importante transition, mais c’est malheureusement impossible. Aucun parent n’aime voir ses enfants être tristes et la culpabilité hante ainsi nombre de parents qui doivent annoncer la rupture. La blessure reste inévitable, mais il existe toutefois quelques stratégies qui permettront de rendre la situation plus facile à vivre tant pour les parents que l’enfant. Il n’existe rien de parfait en contexte de séparation et ce n’est pas si dramatique. Je vous invite donc à souligner ou prendre en note les moyens qui vous semblent applicables dans votre situation et à les mettre en place. Lâchez prise sur le reste.
Quand vient le temps d’annoncer la séparation aux enfants
Se préparer… en équipe : Planifiez ensemble le moment et la façon dont vous annoncerez la séparation : qui dira quoi? Quelles sont les questions auxquelles on peut s’attendre? Que répondra-t-on? Le meilleur moment pour l’annonce est généralement de quatre à six semaines avant le déménagement. Évitez toutefois, autant que faire ce peut, d’annoncer la séparation juste avant un événement important tel que l’anniversaire d’un des enfants ou la période des fêtes. Ils risqueraient alors de faire une association émotive inconsciente (ancrage) entre l’événement et les émotions reliées à la séparation. De même, on évitera aussi de faire l’annonce juste avant une période d’examen ou un défi sportif important pour le jeune puisque le stress et les émotions risqueraient alors de nuire à sa concentration.
Idéalement, avant l’annonce aux enfants, vous aurez aussi prévu ensemble les principales modalités : quel type de garde vous aurez au départ, la date et l’endroit du déménagement s’il y a lieu, qu’est-ce que l’enfant amènera chez maman ou papa, etc. Plus vous pourrez fournir d’informations aux enfants quant à l’avenir, plus ils seront sécurisés.
Annoncer la séparation ensemble : Les enfants auront besoin de sentir que vous faites toujours équipe en ce qui les concerne, que vous êtes encore leurs parents. Répondez ensemble aux questions, le plus simplement possible, avec des mots de leur âge. Restez toutefois plus vague sur les raisons qui ont mené à la séparation. Ne rejetez la faute sur personne et ne dites pas qui, des deux parents, a quitté l’autre. Les enfants, même les adolescents, n’ont pas à connaître les détails de cette « décision d’adultes ». Vous pouvez utiliser une formulation qui ressemble à celle-ci : « Papa et maman s’aiment maintenant comme des amis mais ne sont plus amoureux. » Aidez aussi vos enfants à comprendre que la séparation est définitive et qu’il ne servirait à rien de tenter de vous réconcilier. Ne laissez aucune porte entrouverte, car ils risqueraient de s’accrocher à cet espoir et ainsi avoir du mal à progresser dans leur deuil. Évitez les formulations telles que : « peut-être » et « on verra » qui risqueraient de semer de la confusion en lui.
Rassurer les enfants :Les enfants, petits et grands, auront alors besoin d’être rassurés sur plusieurs aspects. La plus importantes est ’amour que vous leur portez puisque certains enfant pourraient craindre d’être abandonnés dans la séparation : « Papa et maman se séparent, mais on ne te quittera jamais et on va toujours continuer de t’aimer. Tu pourras nous voir tous les deux, mais pas en même temps…» Pour les plus vieux, c’est souvent la perte du réseau social qui causera des inquiétudes. Devra-t-il changer d’école? Perdre ses amis? Si oui, que ferez-vous pour lui permettre de revoir les gens importants pour lui? Assurez-vous également que les enfants savent qu’ils ne sont pas responsables de la séparation. Il arrive fréquemment que les enfants aient l’impression que si vous vous séparez, c’est en raison des querelles que vous pouvez avoir eu les concernant ou parce qu’ils n’ont pas été assez gentil. En ce sens, quelques jours après l’annonce, il peut être pertinent de revenir sur ce qu’ils ont compris et vérifier qu’ils ne pensent pas avoir une quelconque responsabilité dans votre décision.
Lors de l’annonce, il sera également important que les adultes se montrent forts et dégagent de la confiance. Les enfants se fient souvent sur la réaction des adultes pour évaluer la gravité d’un événement. Bien qu’il soit adéquat d’exprimer que vous êtes également triste de la situation, il faut éviter d’adopter une attitude dépressive et larmoyante. Quelques larmes de la part des adultes ne sont pas dramatiques, les enfants comprennent alors que les adultes éprouvent aussi des émotions. Mais vous devrez être là pour accueillir le désarroi des enfants et les réconforter. S’ils vous voient anéantis, ils risquent de d’être inquiets. Si les enfants s’inquiètent de vous et cherchent à vous consoler, remerciez-les de leur empathie, mais rassurez-les et dites-leur que vous avez des gens pour vous soutenir. Et si vous n’arrivez pas à retenir vos sanglots, vaut peut-être mieux écourter la discussion et revenir quand vous aurez retrouvé la maîtrise de vous-même.
Faire preuve d’empathie : Suite à l’annonce, il vous faudra ensuite accepter et accueillir les émotions et sentiments, parfois douloureux, que vos enfants peuvent vivre et leur permettre de les exprimer à leur façon. Certains seront à l’aise d’en parler, d’autres préfèreront s’exprimer soit à travers le dessin, des jeux ou de l’activité physique. Ne les forcez pas à parler de ce qu’ils vivent mais gardez la porte ouverte : « Si tu as envie d’en parler, même si c’est pour m’exprimer ta colère, je serai disponible. » Ne cherchez pas à vous justifier et ne vous perdez pas en explications afin de les aider à « comprendre » dans l’espoir qu’ils ne soient pas tristes. Acceptez que la situation génère possiblement de la douleur, écoutez simplement ce qu’ils vous diront avec leurs mots et leurs gestes. Reformulez, avec chaleur, ce qu’ils vous diront : « Ho! Tu es fâché? Tu crois que c’est ma faute? Oui, je comprends. Je suis désolée. Tu ne veux pas me parler pour l’instant? Oui, je comprends. Ok. Je vais attendre que tu sois prêt. »
Vous pouvez vous attendre à toute sorte de réactions de la part des enfants, selon leur âge et leur tempérament. Certains verseront quelques larmes puis retourneront jouer comme si rien n’était arrivé pour réagir quelques jours plus tard, d’autres vous assailliront de questions ou de reproches. Certains enfants font des crises de colère ou de larmes, d’autre s’isolent et refusent qu’on les approche. Certains, encore, vivent plutôt sereinement cette transition et se remettent vite sur pied. Une séparation n’est pas forcément dramatique.
Quelques pièges à éviter :
- Vouloir « dire la vérité » aux enfants : Trop d’adultes, sans penser aux conséquences et sous le prétexte de vouloir être honnête envers les enfants, sont tentés de raconter des choses que les enfants ne devraient pas savoir. Avant de donner un renseignement à vos jeunes, peu importe leur âge, demandez-vous en quoi cela améliorera leur vie. Est-ce que ça les fera grandir et se sentir mieux de savoir que maman a été infidèle ? Que papa est alcoolique ? Que la pension alimentaire n’est pas payée ? Que l’un des parents ne désirait pas d’enfant ? Malgré la colère et la rancune, il faut se montrer honnête envers soi-même : pourquoi et pour qui est-ce que j’ai envie de divulguer cette information à mes enfants ? Dans le même ordre d’idée, il n’est absolument pas pertinent de révéler qui a décidé de la séparation ni sous quels motifs.
- Surprotéger : Bien qu’on soit conscient que les enfants vivront une période difficile et qu’on tentera, bien entendu, d’adoucir le choc, il ne faut pas non plus tomber dans l’excès et tenter de les protéger de tout. Ainsi, dans les jours qui suivent l’annonce, faites bien attention de ne pas arrêter de vivre pour ne vous centrer que sur eux, de ne pas leur passer tout leurs caprices ni en faire trop afin de leur changer les idées. Les enfants sont beaucoup plus forts qu’on ne le croit, faites-leur confiance pour surmonter cette épreuve.
- Vouloir la garde à tout prix : Bien des parents, des mères surtout, ont énormément de mal à se séparer de leurs enfants et peuvent être tenté de trouver toutes sortes d’explication pour justifier leur désir d’avoir la garde complète. C’est souvent l’anxiété qui leur fait craindre qu’il n’arrive quelque chose, même banal, à leurs enfants alors qu’ils ne sont pas présents pour les épauler. Le risque est alors grand de chercher des « preuves » que l’autre n’est pas assez compétent et que nous sommes le seul à pouvoir encadrer adéquatement la marmaille. Lorsqu’on est tenté de revendiquer la garde complète des enfants, il faut, encore une fois, faire un exercice d’intégrité et se demander, en toute honnêteté : « Je cherche à répondre au besoin de QUI ? Le besoin des enfants ou le mien ? »
Cet article est tiré et adapté du livre: La famille une sacrée entreprise, paru aux éditions de l’homme. Ce livre est un collectif d’écriture auquel j’ai participé avec plusieurs collègues.
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